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Franco et les juifs


Bien que nous ayons l’intention de consacrer un chapitre à ce sujet important, en relation avec l’Holocauste, il est nécessaire de faire référence aux prémisses du problème. En 1964, Haïm Avni eut accès aux documents du Mossad et expliqua que plus de 46 000 juifs devaient la vie à des interventions directes de l’Espagne et qu’aucun de ceux qui ont atteint la frontière n’ont été remis aux allemands. Déjà, en 1949, Abba Evan, qui allait voter en faveur d’une condamnation de l’Espagne à l’ONU, reconnut alors qu’il « ne pouvait pas affirmer que le régime espagnol ait pris une part directe, à aucun moment, à la politique d’extermination ». Pourtant, le sionisme avait participé à la guerre civile en envoyant une brigade juive se joindre aux brigades internationales. Dans le camp opposé, la propagande parlait d’une conspiration « judéo-maçonnique » contre le régime. L’explication la plus correcte de la position espagnole est apportée par les paroles que le grand rabbin de New-York a employées pour demander à ses fidèles de prier pour l’âme de Franco, « parce qu’il a eu pitié des juifs ». Il ne s’agissait pas d’être leur ami ou leur ennemi, mais simplement de pratiquer la charité.


Il importe d’expliquer que la politique antisémite du Reich a suivi trois phases. Pendant la première, il s’est agi de dissoudre les communautés en s’emparant de leurs biens. Après la conquête de la Pologne, une énorme population juive a été soumise à l’occupation allemande, et il s’est alors agi de l’exploiter par des travaux forcés qui provoquèrent en outre de nombreux morts. C’est en 1943 que se met en marche l’Holocauste, c’est-à-dire l’élimination directe de ces témoins des crimes. Les représentants diplomatiques espagnols, qui se fondaient sur le décret d’Alphonse XIII reconnaissant les sépharades comme des espagnols, ne faillirent pas à leur devoir. Certains risquèrent même leur vie pour les sauver. Cependant, le facteur décisif venait de l’Eglise. Il avait déjà été garanti à Pie XI, en 1938, qu’aucune mesure ne serait prise contre les juifs. Pendant la guerre civile, les rares synagogues qui se trouvaient dans le territoire nationaliste restèrent toujours ouvertes, alors que celles qui se trouvaient en zone “rouge” furent fermées. Dès le mois de novembre 1937, le Jewish Chronicle publia une note officielle émanant du Secrétariat de Franco expliquant qu’il « n’est absolument pas certain » qu’un antisémitisme ait été professé, car celui-ci « présuppose l’existence d’un problème juif qui n’existe pas dans ce pays ». C’est un élément important, de toute évidence. Dans le cœur des espagnols, ne demeure sur ce point que le regret de n’en avoir pas fait davantage.


Le passage de Serrano Suñer au portefeuille de ministre des affaires étrangères coïncide avec la deuxième étape de la politique antisémite du Reich. En dépit de sa germanophilie, il a cherché à contourner le problème. Nous avons indiqué déjà comment, en 1940, lorsque le recensement des juifs était effectué en France, il fut recommandé aux sépharades de se procurer des papiers d’identité espagnols, de placer leurs biens sous la protection diplomatique et de s’abstenir de porter l’étoile de David. Il fut expliqué aux communautés juives du Maroc que « tant que le gouvernement espagnol serait au pouvoir, aucun juif réfugié du nazisme ne souffrirait le moindre dommage ». Les circonstances étaient très difficiles. Le consul général espagnol à Paris communiqua que dix-sept sépharades avaient été déportés sans qu’il ait pu l’empêcher. Alors Serrano Suñer présenta une réclamation aux autorités allemandes : ils étaient espagnols et devaient être traités comme tels. L’Association culturelle Sépharade de Paris indiqua à ses membres que le mieux était de conduire les juifs en Espagne, parce qu’il n’y avait pour eux aucune sécurité sous l’occupation allemande. Un motif de dissension supplémentaire entre l’Allemagne et l’Espagne. Franco ne pouvait pas non plus oublier l’aide que lui avaient apportés durant la guerre civile les juifs marocains et roumains.


Source : Luis Suárez Fernández, Franco y el III Reich,





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